Égarés au beau milieu des pisse-froid du rigorisme écolo, lequel confine sans doute par mimétisme l’intelligence à un état végétatif, quelques sages comme François Ewald[1] tentaient de nous prévenir : le principe de précaution est une farce, tout juste bonne pour les premières dindes venues. Curieusement, on se pressa au portillon.
Prescrivant de prendre des mesures en cas d’incertitude, le principe de précaution est en effet aussi judicieux que des parents qui enverraient leur gamin chez le psy le plus cher de la région, afin de s’assurer que ses excellents résultats en physique ne le poussent pas, un jour, à travailler comme ingénieur au service de la Corée du Nord. Ledit principe ne s’emploie qu’à exagérer la menace, ce qui fait vendre des vaccins par millions, et, caressant les animaux craintifs que nous sommes dans le sens du poil, il ne pouvait que pulluler dans tous les domaines.
Ainsi, le 7 févier dernier sur Le Figaro.fr, Jacques Attali —qui représente moins le Pic de la Mirandole d’aujourd’hui qu’un pique-assiette au Banquet des sciences— ne voyait pas « pourquoi on devrait interdire un médicament [le Médiator] qui est nuisible, à juste titre, et pourquoi on n’interdirait pas quelque chose [en parlant du tabac] qui ne soigne pas, qui n’a aucun effet positif d’aucune sorte et qui est nuisible. » ; « De même quand je vois quelqu’un, que je ne nommerai pas mais qui va se reconnaître, qui nous fait tout un numéro sur le principe de précaution en fumant la pipe, le premier cas où il faut appliquer le principe de précaution, c’est de ne pas fumer, et quand on est un partisan du principe de précaution, il faut donner l’exemple. »
Faisons d’abord remarquer à Attali, un homme si à cheval sur son principe qu’aucun plant de tabac ne devrait repousser après lui, qu’un produit comme la clope ne requiert aucune précaution puisqu’on en connaît —précisément— la nocivité ! Preuve d’un moralisme imbécile dont la langue n’exhale plus que des formules toutes faites qui attirent les badauds de la politique comme on choisit les livres de Katherine Pancol pour leurs couvertures colorées.
Ensuite, puisque entre adultes consentants une douce perversion peut toujours nous ravir, jouissons un instant de voir notre économiste de fiction (on dit « futurologue ») chatouiller un autre défenseur du Bonheur certifié nature et progrès, asticoter le pourfendeur des OGM et de la malbouffe, —José, le bovin de la résistance. On dirait deux jansénistes qui bombent le torse et jouent à qui se pincera le mieux les tétons en guise de mortification.
Mais la clé de ce réquisitoire très provincial contre le tabac, c’est le conseiller d’État (sœur) honoraire qui la fournit lui-même : « Je suis moi-même un ancien fumeur repenti, j’ai arrêté de fumer il y a très longtemps, plusieurs décennies, et j’ai toujours combattu le tabac. » De fait, il n’y a pas pire peine-à-jouir qu’un converti, de quelque sorte qu’il soit. La conversion est à elle-même sa propre religion : celle d’emmerder au maximum le peuple avec son nouveau savoir-vivre…
Timon de Bruxelles